Odile Hochard est membre de la Fédération des Aveugles Alsace Lorraine Grand Est, et elle est aussi championne de France de tandem et de course à pied ! Rencontre avec cette sportive passionnée.

La Fédération : Bonjour Odile, est-ce que tu peux te présenter à nos lectrices et à nos lecteurs ?

Odile : Je m’appelle Odile Hochard, j’ai 64 ans. Je suis maman de deux garçons de 40 et 42 ans, papas tous les deux, et je suis mamie trois fois. Je vis avec Hubert, qui fait de la course à pied et du tandem avec moi. J’ai besoin d’être dehors pour sentir tous les éléments de la nature, le vent, etc. rien de tel que de se déplacer en extérieur pour avoir toutes les infos de ce qui se passe, ce que les autres disent et ce que l’on peut ressentir. Je fais du sport tous les jours.

La Fédération : Quels sports pratiques-tu ?

Odile : Je suis fan de tandem, fan de course à pied, j’aime beaucoup le pilate et le yoga, j’en fais minimum 4 heures par semaine. J’aime aussi la natation, mais c’est trop compliqué à gérer dans la piscine donc j’ai laissé tomber. J’aime aussi beaucoup la randonnée, et quand j’ai l’occasion de danser je dis rarement non ! Une autre passion que j’ai et que je pratique tous les soirs : une partie de scrabble, c’est le sport des neurones (rires) !

La Fédération : Et d’où te vient ta passion pour le sport ?

Odile : Je crois que ça vient de ma curiosité de l’environnement, aussi bien à pied, qu’en courant, qu’en pédalant, je ressens le besoin de bien-être, et on se sent bien quand on fait du sport. Faire un effort, se dire que l’on est capable comme tout le monde, avec le sport je ne sens pas de différence entre un valide et moi-même, sauf en tandem parce qu’on est à deux et qu’on est emmené par la personne qui voit. La course à pied, c’est différent, c’est un effort très personnel, on est simplement guidé pour avoir la bonne trajectoire. Je suis à haute dose dans les deux sports.

Depuis le début de l’année, on a déjà dépassé les 10 600 kilomètres en tandem et les 1600 kilomètres en course à pied. En course à pied, je fais minimum 50 kilomètres par semaine, et en moyenne 200 kilomètres par mois. En tandem, on est en moyenne à 1200 kilomètres par mois.

Ce que j’aime avec le sport, c’est que c’est aussi un argument pour manger une grosse glace après l’effort (rires) !

La Fédération : Est-ce que tu as déjà participé à des compétitions ?

Odile : Oui j’ai fait de la compétition en tandem, j’ai été championne de France en 1996 à Frontignan ! Pour y arriver, il y avait quatre compétitions dans l’année en février, mars, avril et juin. Ce n’est pas vraiment de la compétition mais j’ai fait deux Tour de France, le même tour que les pros mais sans chrono, sur trois semaines avec au total 3500 kilomètres parcourus. J’ai fait deux fois le Paris Brest en 75 heures pour 1280 kilomètres, un vrai défi car il faut rouler la nuit !

Pour la course à pied, j’ai fait sept fois des 24h et douze fois des 100 kilomètres : c’est sans s’arrêter, juste un peu pour boire et manger, et j’ai réussi à faire 100 kilomètres en 11 heures ! J’aime bien faire ce genre de courses car c’est dans mes temps, et c’est difficile, il faut tout gérer, ne pas aller trop vite mais garder une allure correcte, bien s’alimenter et boire, se sentir bien jusqu’à la fin. Les 100 kilomètres j’ai jamais abandonné, j’ai eu l’occasion d’en faire douze et ça me plaît toujours autant ! En marathon, on cherche toujours à faire mieux.

Et si vous reviviez l’une des compétitions d’Odile ? Suivez le récit du parcours d’Odile durant l’Ultra-Trail d’Angkor au Cambodge en 2020 en cliquant ici.

La Fédération : Comment ça se passe quand on est déficient visuel ? Qu’est-ce qui t’a aidé dans ta pratique sportive ?

Odile : Pour le tandem, c’est pas évident de trouver quelqu’un pour piloter, j’avais des appréhensions au départ, mais c’est toujours un partage. La personne qui accepte de nous guider, elle est consciente qu’il va falloir me communiquer sur les trous, les trajectoires, mais au-delà, quand on se connaît, c’est du partage, dans la souffrance et dans la joie, c’est du plus plus !

Le sport apporte de l’équilibre, on rencontre pleins de personnes, c’est riche de diversité et c’est génial je trouve. Aussi, ça fait voyager. Sans le sport, je n’aurais pas fait autant de voyages : je suis allée un mois en Thaïlande en tandem, j’ai fait Saint Jacques de Compostelle, et grâce à la course à pied j’ai pu aller à Jérusalem, à Shangaï et à Tahiti !

J’ai croisé d’autres personnes déficientes visuelles sur des marathons notamment à Paris. Aujourd’hui ça ne se fait plus, mais avant on avait un départ anticipé de 15 minutes avant les autres marathoniens. On avait le même hôtel, le même départ c’était sympa. Maintenant on est mélangé à la foule et du coup on ne se rencontre plus trop au départ, d’autant que c’est assez dangereux pour nous. En revanche, le marathon de La Rochelle permet encore un départ différé et en plus on est logés et nourris ! Ce genre d’évènements permet de rencontrer d’autres déficients visuels, c’est cool et ça permet de s’échanger les “bonnes adresses” d’autres courses !

La Fédération : Qu’est-ce que tu dirais à une personne déficiente visuelle qui n’ose pas trop se lancer dans le sport ?

Odile : Ne restons pas isolés, on a tous quelque chose à apporter, même si ce n’est “que” de la marche ou de la randonnée. On est guidés, beaucoup de gens ne demandent que ça, communiquer et partager, ça rend plus beau la vie, c’est super, c’est le partage ! Faire du sport, c’est sortir de l’isolement, on rencontre des personnes qui ont d’autres problèmes, par exemple j’ai rencontré une personne qui avait subi une opération du cœur sur le Marathon des Sables, eux aussi ils ont pour objectifs d’y arriver et ils y arrivent. Ne restons pas isolés, sortons. Il ne faut pas avoir peur, dès que quelqu’un se propose et se sent responsable, il faut y aller !

La Fédération : Est-ce que tu as suivi les Jeux Paralympiques ? Est-ce qu’il y a des athlètes qui t’inspirent ?

Odile : Oui j’ai suivi les Jeux Paralympiques, tous les soirs il y avait les portraits de la série Incassable de France Télévisions, j’aimais beaucoup la regarder. J’aime aussi suivre d’autres compétitions comme le Tour de France. J’ai eu l’occasion de rencontrer Laurent Jalabert et Laurent Brochard, c’était très enrichissant comme je pratique moi-même le cyclisme en tandem. J’adore encourager les gens, je n’ai plus de voix le soir ! J’ai les larmes qui viennent que je vois ce que certains peuvent endurer sur les compétitions ! On s’imagine tout l’entraînement qu’ils ont dû suivre pour en arriver là, et c’est admirable.

Nous remercions Odile pour le temps accordé à cette interview, et lui souhaitons bon courage pour ses prochaines courses !